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Antoine Pol


Quelques poèmes.....


TON RIRE

Ton rire est comme une musique
Qui met la gaîté dans le cœur.
Il est léger, parfois moqueur,
Souvent il vibre, magnifique;
Et quand il découvre tes dents,
En modelant tes deux fossettes,
C’est un carillon de clochettes
Qui semble sonner le printemps.

Quand sur ta joue, ô mon aimée,
Il pose un ton rose discret
De fleur de pêcher, l’on dirait
Que l’atmosphère est embaumée.
Ainsi, dans le jour commençant,
Les fleurs éclatantes de joie
Lancent vers leur dieu qui flamboie
Un long parfum reconnaissant.

Ton rire est la douce lumière
Qui me montre le vrai chemin,
C’est comme un soleil du matin
Qui se lève sous ta paupière.
Toujours je me tourne vers lui
Quand une peine vient d’éclore,
Et je sens un rayon d’aurore
Qui vient illuminer ma nuit.

De la femme et de la jeunesse
Il a pour tous le charme exquis.
Mais depuis que je l’ai conquis,
Il a pour moi de la tendresse.
Aussi je l’adore avec fièvre
Comme le dieu de nos amours,
Et je veux consacrer mes jours
A le conserver sur ta lèvre.

INVITATION A L’AMOUR

Vous que j’aime, m’amie au sourire si tendre,
Venez au clair logis qui voit mes rêves fous.
Chaque coin vous invoque et vous seriez chez vous,
Tant les choses d’ici ont l’air de vous attendre.
Venez vers le joli palais de mon espoir,
Venez au temple rose où gîte ma chimère,
Et j’essaierai pendant ce séjour éphémère
De vous garder en mon pouvoir.

Pour enchanter vos yeux j’aurai mille lumières
Qui mettront des joyaux dans vos boucles d’or pur.
J’aurai de grands miroirs, avec du clair-obscur
Qui viendra velouter l’ombre de vos paupières.
Je tendrai sur les murs des tissus de Damas,
Des fleurs aux tons vivants contre leurs teintes mortes,
De la soie aux divans, des velours sur les portes,
Et des roses dessous vos pas.

Sous vos cheveux très fins, tout près de votre oreille,
Ma lèvre égrènera des mots harmonieux,
Des contes attirant du rêve dans vos yeux,
Des chants d’amour très doux comme des bruits d’abeille
Qui vous feront vibrer d’un ignoré frisson;
Et votre esprit de femme, amoureux de mensonge,
S’envolera, léger, au gré de votre songe
Sur les ailes de ma chanson.

Mon cœur aura pour vous de nouvelles tendresses
Et pour vous mieux comprendre un battement nouveau.
Votre désir aura pour prêtre mon cerveau.
J’envelopperai bien votre âme de tendresses,
Je tisserai dans l’ombre un voile de bonheurs
Et vos regards, filtrant par sa maille ténue,
Se pareront de cette étincelle inconnue
Qu’a la rosée au bord des fleurs.

Et peut-être, laissant incliner votre tête,
Sans force, et souriant au charme qui l’attend,
Comprendrez-vous enfin l’infini d’un instant.
Alors, par son ardeur, mon baiser de conquête
Embrasera soudain, d’un éclair sans pareil,
Nos deux âmes en fuite avec l’heure qui passe,
Comme deux astres morts s’étreignant dans l’espace
Et dont le choc fait un soleil.


LE CANAL

Le canal fuit, tout droit, parmi les champs fauchés.
C’est une route d’eau, unie monotone.
Qu’enserrent deux chemins étroits, et que sillonne
La file des chalands jusqu’à leurs bords chargés.

Vers l’écluse, l’un deux, paisible, est attaché.
Pipe aux dents, à l’arrière, un marinier goudronne
La poupe rebondie. Au centre, la patronne
Etend du linge blanc sur le grand mât couché.

Avec le soir qui tombe, en estompant les lignes,
Meurent à l’horizon les berges rectilignes.
Tout près du bord, très las, s’efforce un vieux cheval.

Et dans la vapeur grise et molle que distille
L’eau glauque à l’odeur âcre et qui semble immobile,
Une péniche va, lente, dans le canal.

PAYSAGE DU NORD

La route, entre deux rangs de peupliers ou d’ormes,
Allonge, dans le jour maussade de l’hiver,
Son bas-côté boueux, ses vieux pavés difformes,
Et son trottoir étroit poudré de mâchefer.

Tous pareils, les champs bruns aux sillons uniformes
S’étendent sans relief. A l’horizon couvert,
Un four à coke ouvrant quatre gueules énormes
Jette dans l’air fumeux une lueur d’enfer.

Au lointain, un village et des corons de mine
S’appuient contre un terris, sombre et maigre colline,
Seul accident du sol qu’on puisse apercevoir.

Et rigide au delà du tas croulant de schiste
Un grand chevalement, clocher du pays noir,
Découpe son carré d’acier sur le ciel triste.


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