Louis-Amédée
Mante,
inventeur des premiers vernis permettant la reproduction
des images...
Texte paru en janvier 1980 ©
par Jacqueline Millet, née Singer (son arrière-petite
fille)
Les Parisiens, plus frivoles
qu'intéressés
par les découvertes scientifiques, retinrent le nom des danseuses
que Curnonsky avait appelées "Mantes les Jolies" plutôt
que celui de Louis-Amédée Mante.
Lorsque je communiquais toutes les photocopies des documents que j'avais
réunis,
les conservateurs de musée et les archivistes que j'avais contactés
furent très intéressés, et convaincus que j'avais découvert
en Louis-Amédée Mante un grand précurseur de la photographie
en couleur, et tous me conseillèrent de publier une plaquette. Mais
le moment était peu choisi pour publier le fruit de mes recherches :
on inaugurait à Lyon dans le château Lumière, la Fondation
nationale de la photographie.
Je ne l'ai pas su tout de suite. Je m'étais mise en quête d'un éditeur.
Ne serait-ce que d'un article qui sortirait Louis-Amédée Mante
de l'oubli. Monsieur Marbot, conservateur à la Bibliothèque Nationale
de Paris, s'intéressant à mes recherches projeta de faire paraître
un article dans le Bulletin de la Bibliothèque Nationale. Mais j'appris
que pour cela il fallait que l'œuvre de Mante entrât auparavant
dans les collections. C'était l'enterrer avant même qu'il soit
connu...
Je m'adressais à différents magazines spécialisés
dans la photographie sur les conseils de Mme Roger de la Société Française
de Photographie. En vain.
Ce fut Monsieur Luc Fellot, Secrétaire Général de Rédaction
de Science et Vie, qui eut le "courage" (je m'en rendis compte après
coup) de faire paraître un premier article en 1978. J'étais ravie
(bien qu'il parle d'énigmes). Il reçut des lettres d'eng... Moi,
je reçus la visite d'une dame qui m'apportait des fleurs : "Je
suis la fille de Charles !" Une cousine de ma mère, dont je ne
connaissais pas l'existence.
Je l'assaillis de questions sur son grand-père : elle ne se souvenait
que du fameux tabouret électrique (elle ne savait pas son utilité)
sur lequel elle montait pour voir ses cheveux se dresser sur sa tête,
car elle ne l'a connu que détraqué. Des plaques en couleur elle
n'en avait plus une seule : toutes s'étaient abîmées et
elle n'avait pu que tirer partie des verres qui, une fois bien lavés à l'eau
de javel servirent à faire des sous-verres.
Monsieur Viasnoff, rédacteur de Prestige de la photo, qui était
venu me voir, et m'avait proposé de faire un grand article sur Louis-Amédée
Mante dès qu'il avait lu l'article de Science et Vie, paru en février
1978, retarda tout à coup la parution après avoir montré autant
d'enthousiasme et d'empressement que moi-même : "c'est une bombe,
il ne faut pas qu'elle nous éclate dans les mains". Puis il me
dit : "vous avez un contradicteur". Je brûlais de le connaître,
et m'efforçai de le joindre. Sur mon invitation, il fit un aller et
retour Lyon-Paris pour voir mes "Mantochromes" (ainsi baptisés
par le Laboratoire de Recherches de Kodak. Je me souviendrai de cette visite
au Centre de Recherches de Kodak à Vincennes, en compagnie de Nicolas
Viasnoff. C'était un peu la CIA : gardes armés, télévisions,
contrôle dans un sas, etc...). Ce contradicteur c'était Monsieur
Guy Borgé, chargé par Monsieur Chardère de constituer à Lyon
le musée Lumière. Sa visite eut lieu deux jours avant l'inauguration
en septembre 1978. Il trouva les photographies si belles, si bien éclairées,
les temps de pose si manifestement réduits par rapport aux "Autochromes",
qu'il en conclut que ce ne pouvait être que des photographies en noir
et blanc que l'on avait coloriées par la suite puis, dix ans après,
lorsque les autochromes naissaient, on les aurait rephotographiées sur
plaques de verre... pour pouvoir les projeter ?
J'en restais pantoise. Comment, on aurait détruit tous les originaux
de ces magnifiques tableaux pour ne garder que des tirages sur verre, improjetables,
et même difficiles à montrer : cela est difficile à croire.
1°) Pourquoi aurait-on pris de tous les formats
? Il existe des 9x12, des 13x18, des 24x18, et même des petites
plaques carrées ?
2°) Pourquoi s'être donné le mal de faire peintre de nombreux
décors de toutes sortes, pour faire des photographies en noir et blanc
?
3°) Monsieur Borgé se demande comment une danseuse comme Cléo
de Mérode n'a raconté à personne qu'elle avait été photographiée
en couleurs. Peut-être n'a-t-elle jamais vu l'unique épreuve :
en tous cas, en quoi cela l'intéressait-elle, une plaque de verre que
l'on ne pouvait éclairer que quelques instants pour la voir, et, surtout,
que l'on ne pouvait faire publier, ni même offrir avec son paraphe comme
elle le faisait de toutes les nombreuses photographies prises d'elle à cette époque.
4°) Si les mantochromes sont en fait des photos colorées, puis transformées
en autochromes plus de dix ans après, pourquoi les épaisseurs
de verre sont-elles si variables d'une plaque à l'autre ?
Le seul argument qui me
laissait perplexe était
: il existe parfois deux plaques semblables, où l'une semble être
un agrandissement d'une autre. J'examinais de plus près les photos
en question. Un pupitre lumineux que mes enfants m'offrirent pour Noël
me permit de les voir simultanément, et, à mon grand étonnement,
je m'aperçus qu'elles avaient été prises en même
temps par deux appareils : une différence d'angle pour les premiers
plans est très visible dans les décors de piscine. Pour
ce qui est des danseuses, sur l'une des photos un pan de robe cache un
barreau de la chaise, et sur l'autre pas.
Et puis comment expliquer la photo d'un sous-bois sous la neige où il
n'y a pas de couleur du tout ? ou la photo d'une petite fille passée
entièrement au blanc pour figurer une statuette ? Pourquoi l'aurait-on
reproduite sur plaque autochrome ?
En tous cas, la plaque en couleur prise de Mante par Barba date d'environ 1900
et n'a rien d'un tableau artistique : on a posé la boîte jaune
bien en évidance uniquement pour sa couleur, comme d'ailleurs le pot
de géraniums, pris vraisemblablement sur le rebord de la fenêtre.
Ma conviction reste entière : c'est Louis-Amédée Mante
qui, le premier, a réalisé un enduit qui permet de fixer les
couleurs en une seule opération.
Il n'en a pas parlé car il avait eu plus d'ennuis que d'honneurs lors
de ses nombreuses communications en matière de perfectionnement de la
photographie. Il avait près de 70 ans, et son bonheur était complet
de le partager seulement avec Edmond Goldschmidt. Je pense que pour ce dernier
la date de 1895 n'était pas choisie pour faire parler de lui quand on
pense à l'ambiance d'antisémitisme qui régnait alors à Paris
avec l'affaire Dreyfus.
Au contraire, Goldschmidt et les sœurs Mante ont réclamé à Louis-Amédée
de trouver un procédé pour tirer sur papier, et, si possible,
garder les couleurs !
Plusieurs essais ont été faits. Plusieurs photos ont été plus
ou moins maladroitement colorées à la main (avant 1895), puis
beaucoup plus tard vers 1910, alors que les autochromes, Lumière étaient
dans le commerce. On trouve une réplique en noir et blanc d'une série
de poses en couleur de Blanche en Marie-Antoinette à Trianon. Elle a
35 ans passés, et ne danse plus, ayant énormément grossi.
Je me demande si Louis-Amédée Mante n'aurait pas trouvé la
reproduction sur papier de diapositives, alors qu'elle est encore en 1979,
si difficile. Je laisse aux spécialistes le soin de déterminer
si cette photo est une reproduction directe ou colorée, et je leur demande
de la comparer aux photos coloriées qui paraissaient à cette époque
dans les magazines. Ces magazines conservés par mes tantes et ma grand-mères
ont, à partir de 1900 de très jolies photos en couleur de Cléo
de Mérode, bien plus "commerciales" que ne l'était
une plaque de verre inutilisable. Guy Borgé croit voir une preuve de
ce qu'il avance avec les photos identiques de Blanche en bergère Marie-Antoinette,
l'une en mantochrome, l'autre sur papier et coloriée. Mais ce qu'il
ne dit pas, c'est qu'il y a quatre poses différentes sur plaque de verre,
et une seule reproduite sur papier. D'ailleurs, la date de 1910 suffirait pour établir
l'antériorité des quatre plaques sur la reproduction coloriée,
puisque de toutes façons, à cette date, on pouvait faire des
plaques achetées dans le commerce. Je suis donc certaine que cette photo
colorée sur papier est postérieure aux quatre poses, et que le
mantochrome a été choisi pour être reproduit sur papier,
et non le contraire.
Je découvris, à l'occasion d'une exposition
organisée par Mme Billoudet à Seine-Port sur ses habitants
célèbres, la fameuse chromophotolithographie de 1856, en
recherchant une visionneuse. Je l'apportais à Luc Fellot, et il
fit tout de suite un article sur cette nouvelle découverte sensationnelle.
Comme je voulais identifier le tableau reproduit, j'allais voir Madame
Hélène
Adhémar, conservatrice du Musée du Jeu de Paume, qui fut très
intéressée, et m'adressa aussitôt à son mari, rédacteur
en chef à la Gazette des Beaux Arts, ancien Conservateur en chef du
Cabinet des Estampes à la B.N.
Passionné par "la famille Mante", il me demande un article
sur la danse et Degas, et ce ne fut que plus tard qu'il s'intéressa à Mante
photographe.
Je le cite : "Plus encore que sa chromophotolithographie, c'est sa méthode
de vernis étendu sur une plaque photographique qui nous retiendra, car
elle semble à l'origine du cliché verre pratiqué par les
impressionnistes, et aussi du monotype tel que le pratique Degas à partir
de 1874 avec son ami Lepic."
Au moment de faire paraître un article dans la
Gazette des Beaux-Arts qui donnerait son aval à la priorité du
Mantochrome, Monsieur Adhémar se ravisa : il fallait que je fasse
un don important au futur musée du XIXème siècle,
avant que l'Amérique ne me propose des sommes énormes.
Il reconnut que ma découverte était une catastrophe (sic)
pour la fondation de Lyon, et qu'il fallait encore surseoir.
On trouva un moyen terme : je signerai un article sur Louis-Amédée
Mante, précurseur de la photographie et ami de Degas. A cet effet, je
fis une étude approfondie des monotypes, à commencer par l'ouvrage
de Jean Adhémar et de Françoise Cachin, paru en 1973 (les monotypes
de Degas). Puis je lus Jean Leymarie (Monotypes de Chagall). Je le cite : "Degas
a raconté les circonstances fortuites de sa découverte... Ses
premiers résultats sont exposés en 1875 sous le titre de dessins
faits à l'encre grasse et imprimés". "L'encre grasse,
c'est la spécialité de Mante !"
De même, lorsque Françoise Cachin raconte que Degas avait voulu
faire les illustrations pour "les petites cardinales" il va de soi
que Mante lui avait parlé de son procéde, que Paul Dupont appelait
la Pantotypie. Là encore, Louis-Amédée n'eut pas de chance,
car les monotypes présentés n'eurent pas l'heur de plaire, à cette époque,
et restèrent dans des cartons jusqu'en 1918. Blaiziot, l'éditeur,
les acheta dans une vente, et ce n'est qu'en septembre 1938, bien après
la mort de Degas (presque dans la misère), que parut l'édition
des Petites Cardinales de Ludovic Halevy avec illustration des monotypes de
Degas.
Ces jours derniers, une vente avait lieu à Drouot de quelques monotypes
de Degas. Mise à prix de chacun : plus de 10.000 francs ! Les poèmes
de Pierre Louys parurent aussi plus récemment, illustrés par
des monotypes de Degas.
Halevy était un habitué de l'Opéra comme Degas, et c'est
dans les coulisses qu'il glanait matière pour Les Petites Cardinales.
Ma grand-mère me racontait que Degas demandait toujours à Adèle
Mante quels étaient les derniers potins.
Là encore, il manqua l'occasion de faire connaître
son procédé de phototypogravure mécanique, qui devait
permettre l'illustration directe des livres.
Lorsque je recherchais quand fut appliqué ce procédé,
je constatais que ce n'est qu'en 1895 que Karl Klietsch (dit Klic) inventa
l'héliogravure avec les frères Storey à Lancaster, procédé coûteux
d'ailleurs... et ce n'est qu'en 1911 que la reproduction directe des photos
en imprimerie (la pantotypie qui ruina Mante en 1877) fut adoptée par
le Frankfurter Zeitung, l'Illustration et l'Illustrated News.
En fait, Mante mourut
dans l'anonymat alors qu'il avait fait des photos sur papier dès
1841,
- qu'il avait donné des leçons de photographie à des grands
peintres de son époque,
- qu'il avait expliqué en détails dans un traité le procédé de
réalisation des photographies sur papier comme sur métal ou "celluloïd" plus
vite et moins cher (vitesse constance vigueur et finesse dit-il en 1852, "nous
obtenons des résultats constants et rapides depuis plus d'un an")
- qu'il avait mis au point le vernis liquide à partir d'asphalte de
cire et d'essence de lavande qui lui permit de réaliser comme photographe,
en 1853, l'iconographie zoologique. En 1854, le docteur Boulongne le décrit.
En 1856 Niepce de St Victor reconnaît que M Mante le premier... (c'est
d'ailleurs dit d'une manière très alambiquée!)
- qu'en 1856 c'est à lui que fait appel Clésinger pour obtenir
justice.
- qu'en 1856 c'est peut-être Manet qui lui demande le même service.
En tous cas cela donne la première photographie trichrome, 13 ans avant
Ducos de Hauron.
- qu'en 1865 il obtient une médaille de bronze à la S.F.P, ainsi
que des récompenses aux expositions de 1867, 1872, 1875 (il l'écrit à Halanzier)
- qu'en 1872 il communique à la S.F.P un procédé d'imprimerie
de la photo aux encres grasses.
- qu'en 1876 il construit à grands frais "l'agencement d'un nouveau
procédé" (révolutionnaire à tous points de
vue) d'imprimerie directe de la photo (ce qu'on appellera le procédé Klic
en 1895).
- que ruiné par le non paiement de la maison Paul Dupont, il emménage à Montmartre
dans la maison de Degas, et participe à la reproduction des monotypes
et ne cesse d'améliorer ses vernis et de chercher celui qui donnera
en une seule prise les couleurs naturelles.
- qu'en 1895 il réalise des mantochromes grâce à sa rencontre
avec Edmond Goldschmidt, riche esthète habitué de l'Opéra
et passionné de photographies.
Lorsque vers 1910 ou 1911
un journaliste de Masques et Visages vint l'interviewer à Seine-Port, c'est en tant que
père des sœurs Mante qu'il intéressait les lecteurs
! Je comprends pourquoi le titre de l'article fut : un philosophe. Sans
aucune aigreur, aucune jalousie, il déclara qu'il était
et fut un homme heureux, et que son seul regret fut de n'avoir pas eu
le temps de faire de la composition musicale.
J'ai voulu faire connaître ce merveilleux homme que fut Louis-Amédée
Mante et mon but sera atteint quand mes arrières-petits-enfants liront
dans le dictionnaire : L.A Mante, 1826-1913, chimiste autodidacte qui inventa
les premiers vernis permettant la reproduction des images... ou quelque chose
de semblable.
Pour ma part, j'ai vraiment fait "la connaissance" de mon arrière-grand-père,
et il a pris une grande place dans mon cœur. J'arrive maintenant à me
souvenir de lui...
Je l'imagine vers 1845 (au moment de son autoportrait, où il est si
beau, si gai, si sympathique) remontant la Seine en bateau à voile en
compagnie de son ami le peintre Veyrassat, pour rendre visite, à Seine-Port, à Virginie
Dejazet chez qui Louise-Théophie Mante fait un séjour : ils ont
19 et 20 ans, les actrices sont en pleine gloire et encore assez jeunes (46
et 47 ans). J'ai lu avec passion tous les récits et anecdotes recueillis
par l'Abbé Duchein en 1927, d'après l'écrivain Maurice
Desvallières, habitant de Seine-Port.
Par exemple, j'ai appris que le journaliste Villemessant avait à Seine-Port
une maison d'été où il donnait de nombreuses fêtes
: vers 1865, le tout Paris arriva en caravane pour le baptême d'un petit-fils
: Alphonse Daudet, Faure, Henri Rochefort, et bien d'autres. Faure se mit à l'orgue à l'église.
Mante devait y être aussi. Lui qui a joué du violon pour un mariage
en 1910 dans cette même église, devait se souvenir, alors, du
fameux baptême. Comme le lui rappelait le bateau-lavoir "le Figaro" offert à Seine-Port
par Villemessant.
Jusqu'en 1866, on pouvait aller à Seine-Port en bateau. Le coche d'eau "l'accéléré" mettait
quatre heures. Puis il n'y eut que le train et la route, après la construction
d'un barrage. En 1857, Victorien Sardou est venu en train proposer "Candide" à Virginie
Dejazet, et en est tombé amoureux. Pendant de longues années,
il y est venu passer un mois chaque été. Alexandre Dumas fils
fut invité à Seine-Port alors qu'il n'avait que 15 ans, et il
y vécut son premier amour de collégien en 1841. Il en garda un
merveilleux souvenir. Edgar Quinet y séjourna en 1850, et en décrivit
les paysages avec nostalgie dans son "Mémorial d'exil". L'éminent écrivain
(académicien en 1855) Ernest Legouvé y eut une maison de famille
où il passa ses étés pendant plus de 60 ans (de 1898 à 1903,
Mante l'a connu et fréquenté). Sa petite-fille Georgina Desvallières
avait épousé un compositeur, Emile Paladilhe. Dans cette grande
maison on reçoit beaucoup, et la gaîté y règne.
On y voit Sully Prudhomme, Eugène Scribe, François Coppée,
St Marc Girardin, Gounod se met au piano, à la joie de tous.
Comment ce merveilleux petit village de Seine-Port n'aurait-il pas attiré Mante
! Il devait croiser dans les rues (et peut-être lui faire la cour) l'excentrique
mais charmante Madame Jouard, qui, à 90 ans en 1910 (le même âge
que lui), est encore alerte et pimpante, mais qui se refuse à changer
de mode, et porte encore des toilettes de 1840. Son gendre, Luigi Bardese,
est l'auteur de plusieurs opéras-comiques, et ils sont en "pays
de connaissance".
Plus sérieuse est la proximité de la maison et du laboratoire
de recherche de Monsieur Broquette, éminent chimiste, membre de l'Institut,
qui inventa l'indigo artificiel. J'imagine que Mante a fréquenté ce
savant, et qu'ils ont discuté de leurs inventions respectives.
Louis-Amédée Mante ne faisait aucun mystère de son procédé de
photos en couleurs puisqu'il avait un élève photographe. D'ailleurs,
plusieurs personnes que j'ai rencontrées à Seine-Port, se souviennent
de plaques en couleurs... mais comme la plupart des gens, ils ne savaient pas
que les autochromes Lumière ne dataient que de 1907 environ.
J'ai rencontré dans toutes mes périgrinations dans les musées
et les bibliothèques, beaucoup de gens charmants. Plusieurs ont été très
intéressés par mes recherches et par mes découvertes.
Je me suis fait quelques ennemis peut-être, mais surtout des amis, ainsi
ce jeune américain que j'ai rencontré tout dernièrement à l'exposition
aux Arts Décoratifs des photographies de Victor Regnault. Ensemble nous
regardions le n° 36 avec beaucoup d'intérêt. C'était
le portrait d'un savant photographié dans le laboratoire de l'auteur
qui faisait une expérience d'accoustique : un récipient à moitié rempli
d'eau, dans lequel trempait une baguette de verre, que "l'anonyme" du
catalogue faisait vibrer avec un archet. C'était Louis-Amédée
Mante. Le jeune homme passionné par ce que je lui racontais, écrivait
justement l'histoire de la photographie ! |