Peintre français, né à Paris
d'une mère parisienne et d'un père originaire du Tessin,
Pierre Isorni n'est pas un débutant. Reçu au Salon d'Automne
dès 1930, il obtint, en 1940, une bourse Blumenthal. S'il ne s'est
pas fait davantage connaître, c'est qu'il ne l'a pas voulu. Chose
incroyable par les temps qui courent, mais rigoureusement vraie, voilà un
artiste qui s'est abstenu, depuis bientôt vingt ans, d'attirer
sur son œuvre l'attention du public. Si vous me demandiez pourquoi,
je n'hésitarais pas à vous étonner de nouveau en
vous répondant que ce grand travailleur a magnanimement choisi
d'avoir terminé son apprentissage avant de nous inviter à décider
si, oui ou non, il est un maître. Voici donc, d'Isorni, et dans
une salle dont l'ampleur nécessite, dangereusement, de la part
de qui l'occupe, une envergure égale, la première exposition
particulière. Je croix qu'il sortira victorieux de l'épreuve.
Il me semble impossible, en effet, que cette peinture de choc et tout
ensemble, si l'on y regarde mieux, imprégnée d'âme
et de sensibilité fine, que cette peinture virile, franche, audacieuse
et pourtant nuancée, ne vous émeuve pas aussi bien, aussi
profondément qu'elle m'a ému, le jour où un hasard
m'en fit faire la découverte. Pierre Isorni sait composer, mais
on le sent incapable de mentir. Tout comme un abstrait, il pense son
tableau, il exige qu'il soit, d'abord, un harmonieux assemblage d'arabesques,
de lignes, de volumes, de rythmes, de couleurs cristallines, -mélange,
sur toile blanche, de ce qui sort du tube et de térébenthine-
qui jouent à se répondre. Il ne consent pourtant pas à sa
métaphore plastique. Il respecte l'objet, la chose, l'être.
Il ne simplifie pas, il concentre. Il introduit l'esprit dans la matière,
l'humain dans le réel. C'est le bon parti qui lui permet de réussir
d'admirables portraits, criants de vérité, puis de nous
faire participer lyriquement, comme si nous y étions, à l'accomplissement,
par exemple, du sacrifice d'Abraham. C'est un peintre complet, et pas
seulement dans le format de chevalet. Je lui prédirais volontiers
un bel avenir dans le vitrail, la tapisserie, la mosaïque. Il y
dirait, comme en peinture, tout l'essentiel, sans verbiage ni maniérisme,
dans la clarté, avec énergie et droiture.
Texte de Maximilien Gauthier à l'occasion l'exposition
au Cercle Volney en avril 1956. |